(Bloomberg) – L’opposition au projet d’Emmanuel Macron de relever l’âge de la retraite se renforce, testant la détermination du dirigeant français à poursuivre une étape décisive dans sa refonte pro-business de l’économie française.
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Le président français a fait face à son plus grand contrecoup jusqu’au 19 janvier, lorsque plus d’un million de personnes ont défilé à travers le pays, des grèves ont fermé de nombreuses écoles et le réseau ferroviaire a été paralysé. Son prochain test majeur aura lieu mardi, lorsque les syndicats parieront qu’un autre changement d’opinion en leur faveur obtiendra plus de soutien pour une deuxième journée de manifestations.
Depuis la première grève de 24 heures, les sondages ont montré que de plus en plus de personnes sont prêtes à défier Macron sur les retraites, avec plus des deux tiers opposés à une réforme radicale, selon de récents sondages. Les législateurs alliés à son parti et au bloc républicain conservateur, dont il a besoin pour obtenir la majorité au parlement, ont exprimé leur scepticisme.
La compagnie ferroviaire française SNCF a conseillé aux gens d’éviter de voyager et de travailler à domicile si possible mardi. Elle ne prévoit d’exploiter qu’un tiers de ses trains à grande vitesse TGV.
Si Macron faisait marche arrière, cela mettrait en péril un élément clé de sa stratégie pour parvenir à la stabilité budgétaire dans une France en proie à un déficit et améliorer la capacité de l’économie à croître et à créer des emplois.
Il a abandonné le précédent régime de réforme des retraites en 2020 après des grèves prolongées dans le secteur des transports, bien que le gouvernement ait déclaré que la capitulation était davantage due au début de la pandémie de Covid-19.
L’histoire est mitigée quant à savoir si le président français cédera sous la pression de la rue. En 1995, le gouvernement de Jacques Chirac a introduit une vaste réforme des retraites après des grèves prolongées, tandis que son successeur, Nicolas Sarkozy, a décidé de relever l’âge minimum de la retraite de deux ans à 62 ans, défiant des mois de protestations.
Macron a approfondi, affirmant que le relèvement du seuil à 64 ans est la pierre angulaire de sa réforme qui mettra la France au niveau des autres pays européens. Sa première ministre, Elisabeth Borne, s’en est tenue à cette ligne ce week-end, déclarant à la radio France Info que le changement d’âge n’était « plus négociable ».
Le premier jour des grèves, Macron a déclaré que le plan était légitime après avoir clairement exprimé ses intentions lors de la campagne électorale présidentielle de l’année dernière.
« Il s’agit d’une réforme introduite et approuvée démocratiquement, une réforme juste et surtout responsable », a-t-il déclaré aux journalistes le 19 janvier.
Les Français ne le voient pas ainsi. Seuls 28% ont soutenu son évaluation dans un sondage auprès de 1 000 adultes réalisé les 24 et 25 janvier par Elabe pour BFM TV. Lorsqu’on leur a demandé s’ils considéraient qu’il avait été élu pour d’autres raisons – y compris empêcher la dirigeante d’extrême droite Marine Le Pen de devenir présidente – 71% étaient d’accord.
L’opposition à la réforme des retraites est passée à 72% contre 59% au début de cette année, selon le même sondage. Un sondage Ifop auprès de 1 001 personnes réalisé en même temps pour Le Journal du Dimanche a trouvé 30% prêts à faire semblant, en hausse de 3 points de pourcentage par semaine.
Le scepticisme grandissant va à l’encontre des efforts pour défendre la logique financière et économique du plan et pour expliquer les compromis destinés à protéger les moins nantis. Selon le gouvernement Macron, le relèvement de l’âge minimum de départ à la retraite s’est déjà avéré efficace pour stimuler les taux d’emploi relativement bas des travailleurs âgés en France.
Certains commentaires d’alliés politiques ont ajouté à l’incertitude. Alors que le gouvernement insiste sur le fait que l’augmentation des cotisations de retraite est taboue, François Bayrou, qui dirige un groupe centriste soutenant Macron, a appelé les entreprises à contribuer un peu plus au système. Il a déclaré que la réforme pouvait encore être améliorée, notamment en fixant une date ultérieure pour la revoir si nécessaire, et en améliorant les dispositions en matière de retraite pour les femmes qui quittent leur profession pour élever des enfants.
Jean-Charles Larsonneur, député du parti de l’ancien Premier ministre de Macron, Edouard Philippe, a déclaré que le plan actuel ne parvenait pas à explorer des changements plus complexes « peut-être en raison de la paresse intellectuelle ».
Le projet de loi sera examiné en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale à partir de lundi avant de passer à l’étage de la chambre basse le 6 février. Les législateurs ont soumis plus de 7 000 amendements pour le débat, qui pourrait se poursuivre jusqu’au 26 mars. Le Parlement, y compris le Sénat contrôlé par les conservateurs, jusqu’à ce jour pour conclure les débats.
Même si Macron obtient le soutien de son groupe parlementaire et de ses alliés, le projet de loi aurait besoin des votes des Républicains, un parti dérivé du mouvement de centre-droit de Chirac et Sarkozy. Selon un sondage anonyme de la radio France Inter la semaine dernière, trop peu de ces législateurs envisagent d’apporter leur soutien.
Si Macron ne parvient pas à obtenir la majorité au parlement, il peut toujours utiliser une disposition constitutionnelle connue sous le nom de 49.3, qui permet d’adopter une loi sans vote. Cependant, cela risquerait d’attiser la colère syndicale et pourrait conduire à un vote de défiance envers son gouvernement.
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